Jamais les catholiques en France n’auront scruté avec autant d’intérêt des décisions du très vénérable et très discret conseil d’état !
613, Il ne s’agit pas d’un article du code de droit administratif. Mais, c’est le nombre de commandements qu’un juif pieux cherche à appliquer chaque jour pour être le plus juste possible devant Dieu. Ce nombre se divise en 248 commandements positifs « Tu feras ceci » et 365 négatifs « Tu ne feras pas ceci ». Les plus cinéphiles parmi vous connaissent peut-être « Kadosh » d’Amos Gitaï. Ce film, qui n’est pas pour les âmes sensibles, montre deux couples de juifs orthodoxes à notre époque. Entre respect de la Loi de Dieu et amour du couple, rien n’est simple dans ce film. Si la Loi leur donne un chemin tout tracé devant Dieu, elle devient très vite un corset difficile à supporter pour un couple amoureux.
Dans mon premier ministère, il m’est arrivé fréquemment, au cours de table ronde sur les religions pour des élèves infirmières, d’entendre une juive parler de sa religion. Le prêtre catholique que je suis, entendait cette femme avec grande joie parce qu’une multitude de résonnances se faisait dans mon esprit avec ma foi chrétienne. Oui, nous avons une histoire commune que, pour nous, Jésus vient accomplir et même dépasser. Dans le même lieu d’apostolat, il m’est aussi arrivé de croiser un psychiatre juif, qui ne pouvant pas sonner à une porte du vendredi soir au samedi soir (repos du shabbat oblige, il n’est pas permis de créer du feu et donc de sonner), devait tambouriner avec virulence à la stupéfaction du personnel soignant. La Loi, même religieuse, entraîne parfois des attitudes tellement minutieuses qu’elle en devient pour le moins surprenante voire absurde aux non-initiés.
Nous devons réentendre avec une immense gratitude les paroles de Jésus, Fils Unique de Dieu. Je vous laisse deux commandements : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit et de toute ta force et ton prochain comme toi-même. Nous comprenons aussi pourquoi Saint Paul, pharisien fils de pharisien, dans ses lettres, revient sans cesse sur la grâce qui libère de la loi. Un juif pieux est habité, jour et nuit, par ces 613 commandements qu’il essaye de vivre. Pour un catholique, c’est admirable et un peu effrayant. Dieu tient une telle place que tout ce qui gêne, même le prochain, surtout païen, à l’accomplissement de ces commandements est évacué. Un juif pieux ne peut alors vivre qu’au milieu de coreligionnaires. Un catholique vit avec quelques grands principes fondamentaux et, grâce à sa conscience éclairée par la grâce de Christ, l’intelligence humaine et la tradition de l’Eglise, chacun s’adapte à la situation du moment. La vie chrétienne, c’est la suite d’une Personne, Jésus-Christ, Dieu et Homme et non une déclinaison de droits et devoirs.
Cependant, un catholique sait qu’aucune vie en société n’est possible si la loi n’existe pas. La vie en société civile ou/et religieuse demande toujours une loi pour gérer les rapports humains avec leurs inévitables conflits. Dans sa recherche d’une certaine justice, plus ou moins morale, la loi civile, censée viser le bien commun, permet que la vie en société ne soit ni la loi du plus fort ni celle de l’anarchie. Une question délicate se pose alors quand une loi civile vient heurter une loi morale religieuse. Je ne règlerai pas cette question aujourd’hui mais on comprend pourquoi l’Eglise s’est toujours fait apôtre de la liberté de conscience formée et éclairée.
Certes, notre liberté de culte a été abîmée pendant quelques semaines, c’est bien regrettable mais quelle chance avons-nous de vivre dans un pays de droit où la justice rétablit une juste application de la liberté de culte ! Sur un plan spirituel, comme toujours, apprenons même des difficultés, apprenons de cette affaire très pénible, pour notre propre conversion. Aimons Dieu présent dans son eucharistie et notre prochain même celui qui parfois prend les trompeuses apparences d’un ennemi. Voilà la vraie Loi du cœur que Dieu attend !
Christophe Martin+