Extrait de « Le Christ fêté par l’Eglise » de Dom Guy-Marie Oury
L’art chrétien a longtemps hésité à représenter le Christ souffrant dans sa Passion douloureuse ; en revanche les types iconographiques qui traduisent son souverain pouvoir sur toute la création sont largement répandus en Orient comme en Occident. Les Byzantins le représentent sous la forme du Pantocrator, le tout puissant, soit au sommet de la coupole de leurs églises, soit dans la conque des absides. Les peintres pré-romans et romans ont suivi leur exemple, et le thème se retrouve jusque tard dans la moyen âge.
La plus caractéristique des représentations du Christ dans l’exercice de sa puissance royale est le Seigneur en majesté, trônant dans une « gloire » ou « mandorle » que cantonnent les quatre animaux à faces d’homme, de taureau, de lion et d’aigle : symboles des évangélistes, mais aussi, avant cela, symboles des êtres les plus puissants de la création et symboles du Christ lui-même ; un certain nombre d’auteurs médiévaux le montrent homme par sa naissance, taureau par son immolation, lion par sa résurrection et aigle au jour de son Ascension.
Au cours de sa vie terrestre et de son ministère d’enseignement, Jésus luttera contre une compréhension trop étroite de sa dignité royale, entendue au sens temporel et nationaliste ; il s’est opposé à ceux qui auraient voulu donner un sens politique à sa mission ; mais il n’a pas récusé la réalité profonde de la dignité royale ; il l’affirme devant Pilate. C’est par dérision pour sa royauté qu’il reçoit une couronne d’épines, un manteau de pourpre et un roseau pour sceptre… Sur terre, la royauté du Christ a été marquée d’un caractère douloureux et, tant que durera le monde d’ici-bas, elle restera incomplètement manifestée ; saint Paul renvoie à la fin des temps le moment de la définitive intronisation du Seigneur : « Puis viendra la fin, quand il aura remis le royaume de Dieu à son Père, après avoir anéanti toute domination, toute autorité, toute puissance. Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds » (1Co 15,24-27)
La fête du Christ-Roi instituée par Pie XI, le 11 décembre 1925, a pour dessein de rappeler aux chrétiens que la reconnaissance de la royauté du Christ a pour eux des conséquences pratiques très précises ; il importe en effet que la vie personnelle, familiale, sociale soit réellement animée par l’esprit de l’évangile et que l’enseignement du Christ pénètre toutes les démarches, tous les aspects de la vie individuelle et collective, sans en excepter aucun. A cette fête à dimension sociale, le concile Vatican II lui a donné aussi une dimension eschatologique en lui donnant le titre de Christ Roi de l’Univers et en la plaçant le dernier dimanche de l’année liturgique.
A la fin de l’année liturgique, la fête du Christ-Roi de l’univers rappelle que l’Eglise n’est pas une société au service des intérêts temporels de l’humanité, chargée seulement d’une mission de justice et de paix et d’assistance aux déshérités, elle est le moyen par lequel le Christ étend son règne sur la terre afin de ramener tous les hommes à son Père.