Depuis bien longtemps, nous entendons parler des deux grandes parties de la messe : la liturgie de la Parole de Dieu et la liturgie Eucharistique. Ce diptyque est essentiel pour comprendre la logique du sacrement de l’eucharistie. Dans l’Evangile des disciples d’Emmaüs, Jésus Ressuscité explique à ses compagnons tout ce qui le concerne dans les Ecritures puis il se fait reconnaître à eux lors de la fraction du pain. L’Eglise a toujours compris la célébration de l’eucharistie comme une révélation de Dieu. Jésus vient à notre rencontre en se manifestant par sa Parole puis dans son Corps et Sang de ressuscité.
Le texte magnifique de saint Justin de Naplouse, dans l’actuelle Cisjordanie, martyr du II siècle, nous montre bien cette riche tradition antique. C’est émouvant de se dire que depuis Jésus Christ en passant par les premiers martyrs, la structure de la messe est toujours la même avec cette partie de la Parole de Dieu et celle de l’Action de grâces (Eucharistein en grec)
Voici quelques extraits de son apologie : « Le jour appelé jour du soleil (Dies Domini, jour du Seigneur, le dimanche), tous, qu’ils habitent la ville ou la compagne, ont leur réunion dans un même lieu, et on lit les mémoires des Apôtres et les écrits des prophètes aussi longtemps qu’il est possible. Quand le lecteur a fini, celui qui préside fait un discours pour nous avertir et pour nous exhorter à mettre en pratique ces beaux enseignements. Ensuite nous nous levons tous et nous faisons ensemble des prières. Puis, lorsque nous avons fini de prier, ainsi que je l’ai déjà dit, on apporte le pain avec le vin et l’eau. Celui qui préside fait monter au ciel des prières et des actions de grâce, autant qu’il en est capable, et le peuple acclame en disant Amen. Puis on distribue et on partage à chacun les dons sur lesquels a été prononcée l’action de grâce ; ces dons sont envoyés aux absents par le ministère des diacres. »
Ce diptyque où Dieu se révèle, est complété pendant la messe par un triptyque où l’assemblée marche vers Dieu comme une réponse de foi. Nous remarquons moins les triples processions (entrée du célébrant, procession d’offrandes et procession de communion) mais elles sont anciennes et essentielles. Elles manifestent l’acte de foi du peuple de Dieu en marche vers le ciel et, ces processions sont, à chaque fois, conclues par une oraison. Il y a donc trois processions conclues par trois oraisons qui ont chacune leurs spécificités. La structure antique de la messe en a laissé encore des traces dans nos eucharisties dominicales plus développées liturgiquement. Ainsi, il existe toujours une procession d’entrée avec des rites préparatoires (vénération de l’autel, encensement, ouverture de la célébration, préparation pénitentielle et éventuellement Gloria). Cette procession est conclue par l’oraison appelée Collecte. Le prêtre recueille ou collecte dans un acte spirituel toutes les intentions des personnes présentes pour les présenter au Père par Jésus Christ notre Seigneur et notre Dieu qui règne avec le Père et le Saint Esprit. Chaque procession est accompagnée d’un chant qui manifeste aussi la prière de l’assemblée. Dans les premiers temps de l’Eglise, ces chants étaient forcément des psaumes, textes des Saintes écritures. L’introduction de paroles non tirées des Saintes Ecritures étaient impensables pour les premiers chrétiens. D’ailleurs, l’introduction du Gloire à Dieu et même du credo n’a pas été une évidence. Le missel romain actuel garde une trace de cette pratique du chant forcément issu de la Bible en proposant des antiennes toutes bibliques qui peuvent être dites quand on ne chante pas. La question des choix de chants est donc vieille comme l’Eglise ! Les psaumes sont de sobre facture et étaient accompagnés avec sobriété. L’attention a toujours été plus sur le contenu de la foi chantée que sur la forme. Nous chantons bien logiquement à l’occasion de jours de fêtes ou dans des temps liturgiques précis pendant les processions liturgiques.
Le soir de Noël, la procession d’entrée sera ornée d’un passage à la crèche et du dépôt de l’Enfant Jésus. La première crèche a été une innovation de St François d’Assise et au fil du temps, l’Eglise a intégré la crèche comme un acte de dévotion. Vous remarquerez d’ailleurs qu’afin de ne pas confondre l’action liturgique de l’Eglise et la légitime dévotion personnelle ou communautaire, la crèche n’est jamais mise dans un chœur près de l’autel. La messe est l’actualisation vivante du mystère de Jésus mort et ressuscité quand la crèche rappelle un moment figé de l’histoire de Jésus.
De Noël à Pâques, il n’y a qu’un pas, de procession, bien évidemment. Le pape Pie XII, en 1951, a restauré la Vigile Pascale, puis en 1955 toute la semaine Sainte. Le triduum pascal est conçu comme « un seul acte liturgique ». De la procession d’entrée du jeudi Saint à la grande bénédiction finale lors de la Vigile, Il n’y a qu’une ouverture liturgique de la célébration par un signe de croix le jeudi saint et qu’une bénédiction finale remplie de joie à la Vigile Pascale « Allez dans la paix du Christ, Alléluia ! » Il n’y a donc ni ouverture de la célébration par un signe de croix et « Le Seigneur soit avec vous » le vendredi saint ou à la Vigile, ni bénédiction de fin le jeudi saint et le vendredi saint. Ce sont des processions particulières qui font des articulations vivantes entre chaque célébration du triduum. Le fait qu’une seule ouverture de célébration au jeudi Saint et une grande bénédiction finale à la fin de la Vigile Pascale manifeste que l’unité du mystère pascal est célébrée : la sainte Cène, la Mort en croix et la Résurrection sont intimement liées et donc cela se manifeste liturgiquement dans ces absences d’ouvertures et de conclusions habituelles. Par contre, les processions sont multiples et originales lors du triduum : Procession au reposoir pour accompagner le Saint Sacrement puis sortie discrète en silence, procession d’entrée en un respectueux silence lors de l’office de la Passion avec prosternation des prêtres suivie directement de l’oraison, Vénération de la Croix en procession, enfin, entrée majestueuse derrière le cierge pascal avec un chant d’une joie encore un peu retenue.
A suivre lors d’une prochaine promenade à travers les siècles……
Christophe Martin+