Chacun connaît la suite de cette chanson française, on y danse, on y danse ! Désormais, ce vieux pont qui permettait le passage entre la France et les états pontificaux quand les Papes étaient en Avignon, est en partie détruit. Plus personne n’y danse. Mais, ce qui est intéressant, c’est que déjà, à l’époque, au XIII siècle, Philippe le Bel, roi de France à la tête d’un état qui montait en puissance voulait montrer sa force face au riche Pape de l’époque. Le roi de France fit construire une tour, qui se visite toujours, sur la rive française voulant montrer sa puissance. Pouvoir temporel et pouvoir spirituel montraient chacun leurs muscles pour défendre, bien sûr, leurs intérêts. Les siècles ont passé ; et la perte des états pontificaux à la fin du 19ème, devant un état italien en construction, a obligé les papes à ne devenir qu’une puissance spirituelle. Notre génération de catholiques peut constater que du pape Saint Jean Paul II au Pape François, en passant par Benoît XVI, leurs paroles sont encore, plus ou moins écoutées, et la diplomatie vaticane reste une des plus reconnues.
Chers paroissiens, la crise sanitaire actuelle nous ramène à ces temps anciens où les pouvoirs temporels étaient souvent tentés d’imposer leurs visions à tous. Mais, l’Eglise s’y connaît aussi dans la tentation autoritaire. Son histoire lui rappelle aussi ! Alors, à la question : Qu’est ce qui est essentiel ? Il faut comprendre que, comme Philippe le Bel, l’état français, est tenté de tout régir même en donnant « une quasi métaphysique d’Etat avec les idées de protection et de bien-être ». Pour les catholiques, en commençant évidemment par les Evêques, successeurs des apôtres, la messe dominicale et communautaire est un besoin vital. Et chacun attend la reprise des messes publiques le plus tôt possible pour son besoin spirituel, mais en respectant aussi l’ordre sanitaire des corps.
Si l’Etat laïc est, parfois, tenté de prendre une forme religieuse qui outrepasse son domaine de compétence, attention aux catholiques à ne pas se prendre uniquement pour des citoyens des cieux refusant toute décision temporelle. Dans ce débat difficile, où il y aura toujours une certaine tension, permettez-moi de conclure en rappelant que la pire des solutions reste la division dans l’Eglise. Satan se change lui-même en ange de lumière (2 Co 11,14). Né en 1968, je m’y connais en esprit soixante huitard et je constate, avec un brin de tristesse, que dans l’Eglise, même dans le clergé, il y a une tentation de la critique systématique de toute autorité. Le Christ a choisi des apôtres qui n’étaient, certes, pas des génies mais l’autorité du Fils de Dieu passe par eux pour conduire le peuple de Dieu. L’esprit de 68 où la désobéissance à toute autorité religieuse ou civile est vue comme un acte de liberté individuelle. Ce n’est en fait qu’une immaturité adolescente qui trouve comme seul argument, la critique. Mais, l’adulte sait, lui, que le réel résiste parfois aux désirs. L’obéissance catholique, comme celle de la Vierge Marie, n’est jamais une soumission aveugle. Elle commence par une écoute de la Parole de Dieu, le Christ, et de son Eglise. Elle refuse un discernement hâtif où le psychologique et le politique prennent le pas sur un véritable choix mûri dans une solide prière et éclairé d’avis compétents.
Alors, rendons grâce pour ceux qui, loin du tumulte habituel, œuvrent pour reconstruire symboliquement le pont d’Avignon afin de pouvoir y danser dans la joie, au moins un moment, avant la prochaine tension que l’histoire nous réservera. Au soir de notre vie, nous serons jugés sur la charité, celle qui édifie une ébauche du Royaume de Dieu ici-bas.